J'aurai ta peau

Les agneaux sont sincères quand ils sont dévorés
Les crocs de la culture dans ma main ont dévié bien des lignes
Et lorsque, à quatre pattes, une reine s’approchera
Ce ne sera ma fille. Elle rira comme j’ai ri les années bissextiles
De se voir rallonger d’un soleil ses pas irrespectueux
Elle se rira de moi, elle me jettera à terre
Ce ne sera ma fille. Ivre dès le lever, et la main sur la joue qui commande
Qui écoute, que j’enserre à mourir
Puisque rien ne l’emporte elle se créera quelques liens privilégiés
Avec le ciel. Ce ne sera ma fille, elle videra
Les tables de souffrances, chaque convive la saluera étonné
D’une enfant si jeune au repas décimé
Approuvant de « peut-être », elle se met à courir vers la première hache
Qu’elle peut soulever. Ce ne sera ma fille
Elle lira sans comprendre, sans respirer, sans lire
Ne sachant quelle eau est bonne, se disant que son père est mort elle
Décidera de réussir sa vie. Tout se ligue en son nom, qui sent un peu la pierre
Sur le sable ses pieds ne s’enfoncent, sous ses ongles de la terre
Du Sud (probablement autour d’Orange). Ce ne sera ma fille
Qui ramène à la porte ses compagnons d’infortune, comme elle
Imaginaires et fous. Chaque trace, chaque branche, toutes les arêtes des nuages
Porteront sans sourciller, avec fierté même, la marque subterfuge
Le tatouage familial.
Ce ne sera ma fille, elle dira « Rien dans le monde n’égalera mes rêves,
Je vous dis merde » tournant les talons, prolongeant la critique
Que chacun se fait en sa présence. Elle ira à confesse énumérer les clous
Et faire revivre le bois et la couronne du bout de ses prunelles
Qu’elle aura bleu-suicide. Oh oui, ce sera ma fille.